2. Angliers – Nouvelles-France
ANGLIERS Vienne – ANGLIERS Québec
A partir de la seconde moitié du XVII ème siècle, au moins une cinquantaine de ressortissants du Loudunais, tous bien identifiés, ont traversé l’Atlantique pour s’établir en Nouvelle-France et ainsi contribuer à son peuplement.
Parmi eux cinq étaient d’Angliers.
Le Loudunais vivait au XVII ème siècle un grave problème de surpopulation. Ses terres cultivables étaient déjà très morcelées et il n’y avait plus de lots à offrir aux jeunes. Ceux-ci avaient en outre peu de chances de se faire artisan ou d’exercer un métier. Un nombre grandissant de pauvres et d’enfants abandonnés n’avaient d’autres possibilités que de se faire brigand ou de rejoindre les soldats qui sillonnaient les routes hantées par la peur de la guerre et de la famine. Mais la principale peur était celle des épidémies. Loudun fut en proie à la peste qui, en 1632, décima le tiers de la population. La possibilité de fuir cette misère insupportable et l’espoir d’améliorer leur sort en incitèrent plusieurs à quitter le Loudunais vers La Rochelle, afin de s’engager dans une des colonies et de s’y établir.
Le paysan qui désirait trouver du travail en Amérique se louait dans un contrat notarié, pour une période généralement de trois années, à un “maître” qui s’engageait à le nourrir, à le loger et à l’assister. Pendant son terme, l’engagé n’était pas libre de travailler à son compte ; il n’était qu’une force de travail susceptible en tout temps d’être cédée à un tiers. L’engagé, écrit Frontenac, était “un homme tenu d’aller partout et faire ce que son maître lui demande comme un esclave, durant le temps de son engagement”. La Compagnie des Cent-Associés avait la responsabilité du peuplement, mais ce sont plutôt des individus ou des communautés religieuses, en quête de main-d’œuvre pour défricher leurs domaines, qui se chargèrent de la faire venir. Les Relations des Jésuites, en plus d’attirer les capitaux de dévots désireux d’œuvrer à l’évangélisation et à la francisation des autochtones, ont inspiré bien des rêves d’aventure et d’exotisme. Des recruteurs et surtout certains marchands et armateurs de La Rochelle en ont convaincu plusieurs de tenter la grande aventure. Les promesses étaient alléchantes : un pays à bâtir où le travail ne manquerait jamais, où les impôts sont minimes et où chacun pourrait s’accaparer facilement de terres plus belles et beaucoup plus vastes que celles qu’on pouvait espérer trouver en France.
Originaire du lieu-dit de Saint-Antoine à Angliers, René FILLASTREAU est déjà à Québec en 1655. Il s’établit à Montréal en 1658 où il fera un peu d’élevage et d’agriculture en plus de se faire scieur le long. Il fut aussi de la toute première génération des “coureurs de bois”, c’est à dire de ces aventuriers qui se rendaient en canot d’écorce dans les tribus amérindiennes pour y faire la traite des fourrures.
En 1655, un commissionnaire mandaté par Nicolas Le Vieux de Hauteville a convaincu Pierre LORIN (1628 – 1685), le cousin de Fillastreau, et sa jeune épouse Françoise HULLIN de s’occuper d’une terre que Le Vieux venait d’acquérir en banlieue de Québec. LORIN et son épouse acceptèrent en France les conditions du bail à ferme, contractèrent un emprunt et s’embarquèrent pour la Nouvelle-France. Le couple suivra par la suite FILLASTREAU à Montréal où LORIN se fera scieur de long et où Françoise HULLIN décédera prématurément en 1658. Pierre LORIN se remarie l’année suivante avec Françoise SAULNIER (1638 – 1710), une parisienne recrutée dans leur paroisse par les prêtres de Saint-Sulpice de Paris. Pierre LORIN fera l’acquisition de plusieurs terres à Montréal qu’il revendra après en avoir augmenté le défrichement et vendu le bois sous forme de planches et de madriers. Malgré tous leurs efforts, Pierre LORIN et son épouse vivront plusieurs difficultés notamment d’ordre monétaire.
Les frères Laurent (1636 – 1686) et Mathurin (1635 – 1695) GOUIN, cousins de FILLASTREAU et de LORIN, étaient les fils aînés d’une famille de laboureurs installée vers Rossay – Le Bouchet dans les années 1636 – 1648. La famille GOUIN s’est ensuite établie à Angliers d’où les GOUIN se disent originaires à plusieurs reprises. Ceux-ci s’engagèrent à La Rochelle en 1657 pour travailler pendant trois ans en Nouvelle-France. Ils reçurent ensuite chacun une concession à Champlain, en aval de Trois-Rivières où Laurent vivra paisiblement jusqu’à sa mort sans enfants.
Son frère Mathurin ira définitivement s’installer en 1670 plus loin vers Québec dans la Seigneurie de Sainte-Anne de la Pérade. C’est un défricheur et un travailleur habile, acharné et physiquement très fort qui saura rapidement devenir un propriétaire foncier des plus prospère. Ce fut un homme exceptionnel chez qui par exemple habiteront longtemps un des co-seigneurs du lieu ainsi que le curé de la paroisse. C’est aussi chez Mathurin GOUIN que s’arrêtent, lors de leurs visites diocèses, Monseigneur François de Montmorency – Laval et son successeur Monseigneur de Saint – Vallier.
Mathurin GOUIN saura en outre à la fois devenir le créancier et l’exécuteur testamentaire des co-seigneurs de Sainte-Anne de la Pérade tout en recevant à plusieurs reprises des marques de haute estime de la part de ses pairs, les autres censitaires.
Un des descendants de Mathurin GOUIN, Sir Lomer GOUIN, fut 15 ans Premier ministre du Québec et Lieutenant – Gouverneur du Québec. Il fonda en 1919 un village auquel il donna le nom d’Angliers en souvenir du lieu de provenance de son ancêtre.
Le professeur Ernest MARTIN, de l’Université de POITIERS, reçut en 1931 un portrait de Sir Lomer GOUIN des mains même d’un des fils de ce dernier. Il vint le remettre à Angliers qui le conserve précieusement depuis lors.
Texte de Robert LARIN
Écrivain et citoyen d’honneur d’Angliers
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